NAMUR – LONDON (1), tribulations et autres histoires
Été 2020, la terrasse de Botanical by Alfonse ne désemplit pas, la rue des Brasseurs est vibrante, le piétonnier grouille de monde.
La pandémie qui a changé la face de la terre semble derrière nous. Les masques se sont frayés un chemin jusqu’à nos garde-robes à la manière des couvre-chef d’un autre temps. On prend l’habitude de ne pas sortir sans lui, on se vêt pour l’extérieur, on s’apprête à faire face au monde.
Mais ces bouts de tissus qui cachent de si jolies lèvres charnues s’accordent dorénavant aux jupes courtes et aux bermudas colorés, ce qui les rend plus agréables. On les porte déjà par habitude, une manière commune d’agir qui ne date que de quelques mois. Ils sont la preuve que les beaux jours ne sont pas à l’abri de l’ombre.
À ce moment-là, nous sommes encore persuadés que nous vivons quelque chose d’unique dans une vie qui ne se reproduira pas. On se languit de voyage, on aspire à quitter Namur pour s’inspirer et faire bourlinguer nos clients à travers une de nos cartes éphémères. Et si on partait pour Paris ? C’est décidé, durant quatre jours, l’équipe prend la poudre d’escampette avec toutes les précautions nécessaires et s’en va pour la Ville Lumière.
À Paris, c’est Rémy Savage qui nous attend, armé de boules de pétanque et de vin rosé. Il nous emmène aussi à la découverte des meilleures adresses de la capitale. Rémy, c’est un peu la superstar des cocktails. La première fois que nous l’avons rencontré, c’était en 2017, alors que Valentin participait à son premier concours, la Mary White competition. Rémy était alors un des juges du concours remporté haut la main par Valentin sans même avoir de réel bar à l’époque (désolé Alfonse, tu es une jolie caravane, mais tu n’es pas une adresse fixe :)).
Avec de l’eau dans ses caves, comme on dit chez nous, les chaussures en cuir vintage usées, les manches de lin retroussées et le sourire étendu sur tout son visage, Rémy a quelque chose à nous dire.
Il faut savoir que Monsieur Savage est responsable de deux bars parisiens, dont il gère la direction artistique. Il a été élu bartender le plus créatif du monde en 2014, puis en 2018 meilleur mixologue européen par la BCB. Il est à la base de la genèse du Little Red Door à Paris qui s’est directement placé à la 11e place au top 50. Il a aussi bossé pour ce qui fut le meilleur bar du monde, l’Artesian, et est l’auteur du fameux cordial de papier (je sais Rémy, mais c’est important de le dire).
Mais revenons à nos moutons, qu’a-t-il à nous dire ?
C’est bien installés à une terrasse rue du Faubourg Saint-Denis qu’il nous dévoile son projet d’ouvrir son propre bar avec Paul Lougrat dans l’est de Londres. Et pas n’importe quel bar, un bar à cocktails basé sur le mouvement Bauhaus (1919-1933), et dans cette aventure, il aimerait inclure Valentin afin qu’il fasse partie d’un échange de quelques mois.
Le Bauhaus (de l’Allemand : “maison où bâtir, grandir, nourrir”) est une école d’art fondée à Weimar en 1919. Son fondateur, l’architecte Walker Gropius, aspire à une synthèse entre créativité et manufacture afin de former des artistes, des designers et architectes engagés socialement. Parmi les artistes-enseignants stars de l’école, on retrouve Paul Klee, Oskar Schlemmer et Wassily Kandinsky. L’éthique du Bauhaus, son design fonctionnel de qualité, sera l’une des plus grandes influences du XXe siècle. C’est donc en se basant sur la philosophie de l’école elle-même que l’idée d’échange entre bartenders au sein du bar est née dans l’esprit de nos amis. Ils aspirent tous deux à créer un espace complet autour du design, de l’expérimentation et d’explorer le mouvement artistique à travers les boissons et la nourriture.
Ce que Rémy propose à Valentin à cet instant, à cette terrasse parisienne, déclenche une discussion passionnée ; amateurs d’art et de cocktails, ce projet représente la convergence de nos passions. Cette idée brillante de créer un bar à cocktails, et qui plus est à Londres, nous laisse tout simplement sans voix.
Les regards se croisent, les yeux de Valentin s’illuminent de joie, les pupilles de Jaboth oscillent entre émerveillement et anxiété, Matilda a les yeux rêveurs, et les miens sont empreints de fierté.
Sur le chemin du retour à Namur, dans un flixbus à moitié vide, nous discutons et évaluons nos possibilités : partir plusieurs mois signifie laisser une équipe autonome sur place, sans notre présence. Jaboth a les épaules solides mais il faut que l’envie soit présente, ainsi que la détermination. Gérer un bar, même partiellement, n’est pas de tout repos. Le bus dévore les lignes blanches de l’autoroute, les kilomètres s’amenuisent jusqu’à destination. Tout le monde dort, sauf Jaboth, qui nous réveille pour nous souffler : -” C’est l’aventure d’une vie, vous devez y aller”.
À suivre…